dimanche 4 mai 2014

Les fonctionnaires de l'Éducation nationale sont-ils tenus à l'obligation de réserve ?

NON
Les enseignants peuvent s'exprimer et se positionner contre la réforme des rythmes scolaires sans être inquiétés.

L'obligation de réserve a été supprimée par la loi du 13 juillet 1983. Elle ne s'applique plus que pour les magistrats (auxquels s'adresse toujours l'article 10 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958) ou  certains fonctionnaires à l'occasion de circonstances exceptionnelles (le contexte diplomatique par exemple) qui ne concernent pas l'exercice ordinaire des agents de l'Éducation nationale. La loi du 13 juillet 1983 leur reconnaît une totale liberté d'opinion (Art. 6), l'activité politique (Art. 7) et syndicale (Art. 8) et le droit de grève (Art. 10) que certains ministres autoritaires voudraient bien voir disparaître.

Anicet Lepors, qui était à cette époque ministre de la Fonction Publique, donne son analyse de l'obligation de réserve dans une tribune libre du journal Le Monde daté du 31 janvier 2008. Il rappelle notamment son rejet à l'Assemblée nationale le 3 mai 1983 d'un amendement tendant à l'inscription de l'obligation de réserve dans la loi. Il souligne que l'obligation de réserve ne figure pas dans le statut général ni dans aucun statut particulier de fonctionnaire, sinon celui des membres du Conseil d'État.

Il existe cependant une limitation à l'expression des fonctionnaires : c'est l'obligation de discrétion professionnelle prévue par le second alinéa de l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 : "Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. En dehors des cas expressément prévus par la réglementation en vigueur, notamment en matière de liberté d'accès aux documents administratifs, les fonctionnaires ne peuvent être déliés de cette obligation de discrétion professionnelle que par décision expresse de l'autorité dont ils dépendent."

Autrement dit, un fonctionnaire garde toute liberté de critiquer l'action du gouvernement et la politique de son académie, à condition que sa critique ne porte que sur des éléments connus du public, comme les articles de presse, les émissions de télévision et même les documents administratifs (circulaires et notes de service qui sont, par la Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 consultables par tout le monde).

Pour finir, une devinette qui concerne l'obligation de réserve. Comment s'appelle le fonctionnaire courageux qui a déclaré ceci :

"Voilà pourquoi l'obligation de réserve, qui contraint les agents publics à observer une retenue dans l'expression de leurs opinions ne figure pas explicitement dans les lois statutaires relatives à la fonction publique. Il s'agit d'une création jurisprudentielle, reprise dans certains statuts particuliers, tels les statuts des magistrats, des militaires, des policiers... Mais à quoi bon discuter ? Je prends comme un hommage qu’on m’invite à me taire. Ce ne sera d’ailleurs que provisoire. Ensuite, j’en préviens d’emblée les censeurs, je ne dirai plus ce que je pense, mais ce que je sais."

Avant d'aller lire la réponse, calez-vous bien sur votre fauteuil.


Alors à quoi rime cette invocation anachronique du devoir de réserve, sinon à intimider ceux qui parlent librement ? Souvenez-vous de la déclaration hargneuse du  député UMP Eric Raoult rêvant d'une obligation de réserve pour les écrivains et footballeurs, autant dire leur mise en coupe réglée sous les projecteurs de la censure et de l'autocensure.




Ainsi, les enseignants ont tout a fait le droit de s'exprimer contre cette réforme, c'est ce que nous rappelle par exemple le syndicat SNUDI-FO: lire le PDF.

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